Les chroniques de Madame Lericque. Histoire de nos bistrots

Les bistrots des années après guerre font partis de notre patrimoine. Il y en avait 4 : 2 dans le bourg, 1 au bout des Hayes, sans oublier celui du chemin Perrey dit « chez la Rigoustine »
Cette femme vivait seule, son mari avait été victime de la première guerre. Il fallait bien vivre… Un peu d’épicerie mais surtout un lieu d’accueil dans la cuisine, au bout de la grande table où l’on prenait son temps pour déguster un café arrosé, et aussi pour causer…
Le café du bout des Hayes était tenu pendant la guerre par Louis Philippe, pas le roi de France mais un descendant de la famille Philippe de Saint Thurien. Il était jeune et ancien boucher. Il tenait un commerce d’épicerie bien achalandé.Le hameau était déjà bien peuplé, une bonne clientèle y était fidèle. Mais ils avaient déjà une famille à nourrir et eurent la bonne idée d’installer un baraquement en bois avec un bon plancher pour ouvrir tous les samedis un bal musette, après la guerre bien sûr. Chez Louis Philippe, on s’amusait bien et les jeunes des alentours s’y donnaient rendez-vous ! Que de souvenirs … Nous sortions de la guerre, des restrictions et le besoin de se défouler était évident !Retour à nos bistrots sur la place de Trouville. Ils étaient face à face sur la route de Quillebeuf. Ils avaient chacun leur clientèle, leur magasin d’alimentation, chacun un dépôt de pain et chacun bien sûr leur bistrot.
Le dimanche, l’un servait d’accueil après la sortie des messes et des offices religieux, l’autre c’était plutôt les …. Autres. C’était au « Rendez-vous des chasseurs ». Chacun sa fonction, chacun ses clients. Entre eux, pas de guéguerre ; les cafés étaient pleins et les épiceries se complétaient.
Ce café s’appelait « Au rendez-vous des chasseurs ». C’était Achille Anquetil qui avait acheté ce commerce après son mariage… Il venait de « l’autre côté de l’eau », c'est-à-dire de Seine Maritime.


« Achille » était très commerçant et entre les petits verres de café-calva, il coupait les cheveux dans un coin du café où il avait installé un salon de coiffure. Ainsi, il connaissait bien les habitants de notre pays et chacun y racontait son histoire, ainsi que celle des autres à l’occasion. Il remonta ce fond de commerce quelque peu tombé après la guerre, après le départ de Madame B. qui pour se consoler de l’absence de son mari, prisonnier de guerre, s’attablait avec les clients du café ! J’ai ouï dire quelques anecdotes au sujet de Madame B. qui lorsqu’elle avait bu, savait bien répondre aux soldats allemands qui disaient d’elle, qu’elle était « carrousel ». C’était la distraction du bourg en ce temps d’occupation.
L’autre café dit « café Blangy » était tenu par la famille Blangy, ancien gérant d’une coopérative à Pont Audemer. Henry Blangy père, exerçait le métier de peintre avec son fils Adrien tandis que la jeune fille Jeanne apprit le métier de modiste. Ils employaient également une femme, dame de confiance de la maison. « Henriette » était le pilier de ce commerce.


Ils étaient spécialisés dans l’alimentation. Presque tout se vendait en vrac avec la belle Roberval à poids sur le comptoir, sans oublier les bonbons pour la sortie de l’école, les sabots, la mercerie, le pétrole etc…etc… Et à côté, il y avait le café. Avec sa porte face à la place et ses petites tables de quatre qui s’alignaient dans ce bistrot où il faisait bon jouer aux dominos, ou faire semblant pour s’envoyer quelques « messages » entre amis ou raconter une histoire vécue par ses bons ou mauvais voisins…
Ces cafés tout enfumés et si bruyants parfois, étaient des lieux conviviaux de rencontres, de nouvelles, de projets, de potins et surtout fréquentés par des hommes. Les femmes, lorsqu’elles accompagnaient leurs maris, faisaient des courses ou attendaient dehors que leur « patron » sorte du bistrot, plutôt gai et peu pressé de rentrer au bercail.
Malgré tout, les bistrots étaient des lieux de convivialité, de rencontres, un lieu où l’on prenait des nouvelles des uns et des autres et où l’on faisait des projets municipaux, où l’on préparait aussi les futures élections municipales. Le bistrot était le salon des gens du pays… comme à Trouville !